2014, année du 70e anniversaire du débarquement, a été l’occasion pour l’équipe municipale d’aller à la rencontre des Hochstettois et de réunir les souvenirs de plus en plus rares de cette époque dont l’écho se fait de plus en plus lointain : entre hommage et devoir de mémoire.

 

Le temps passe, mais nous avons eu la chance de recueillir les témoignages d’anciens combattants ou ceux des membres de leurs familles, racontant entre autres, l’enrôlement dans l’armée allemande ou le passage des troupes alliées à Hochstett en 1944. Des moments qui nous ont permis de connaître un peu mieux le passé du village durant cette période de la seconde guerre mondiale.

 

En 1944, le village comptait vingt-cinq maisons, toutes sorties indemnes des bombardements. Aucun dégât matériel important ne fut à déplorer. Parmi les habitants ; quatorze hommes furent appelés à servir au sein de l’armée allemande. Incorporé pendant plusieurs mois au service du travail du Reich, le « Reichsarbeitsdienst », Joseph Adam nous raconte les conditions de vie et de travail particulièrement dures. Envoyé en camp militaire dans la région de Thüringen, de juillet à décembre 1944, il avait alors 18 ans. On y coupait du bois, s’entrainait au combat ; les rations de nourriture étaient limitées et on y mourrait de faim. D’autres furent blessés ou prisonniers du front ; une petite partie d’entre eux fut emprisonnée en Afrique. Il arrivait que l’un ou l’autre, enrôlé de force, profite d’une permission pour déserter et se cacher jusqu’à la fin de la guerre.

 

Hochstett n’eut à déplorer qu’une seule victime tombée au champ d’honneur. Le nom d’Eugène Kircher figure sur le monument aux morts érigé par la commune  le 11 novembre 2008.

 

Joseph Adam se souvient également de la libération du village, le 23 novembre 1944, par les troupes américaines alors en route vers Strasbourg. Au passage des chars, les villageois éprouvent un véritable soulagement mais la fin de la guerre tarde jusqu’au printemps 1945 et régulièrement des affrontements sporadiques éclatent face à la Wehrmacht. Désormais accoutumés au bruit assourdissant du canon « de 210 » stationné devant la maison de la famille Knab, les villageois reprennent une vie « normale », marqués par le rationnement des vivres jusqu’en 1949. Les élevages de poules et de lapins ont permis de nourrir un peu mieux les habitants, limités à cinquante grammes d’huile par mois et par habitant.

 

La municipalité salue la mémoire des « Malgré-Nous » de HOCHSTETT incorporés de force après l’annexion de l’Alsace Moselle par le 3ème Reich :

ADAM Joseph

LUTZ Antoine

HEITZ Antoine

PFLUMIO Antoine

HIRSCH Charles

PFLUMIO Léon

KIRCHER Eugène

PFLUMIO Joseph           

LAUGEL Lucien

REYMANN André           

LUTZ Aloïse

WEIBEL Antoine

LUTZ Joseph     

ZIRNHELT Antoine         

 

Durant de longues décennies, on ne parla que des «Malgré-Nous», alors que les jeunes filles de moins de 20 ans furent elles aussi obligées d’accomplir leur «devoir civique». Ainsi Mme OSTER, née Juliette KUHN, fit partie de ce lot de «Malgré-Elles» expatriées en Allemagne durant une période plus ou moins longue pour servir le régime allemand de l’époque dans des exploitations agricoles ou dans des usines.

En novembre 1943, après sa libération d’un service obligatoire d’une durée de six mois, Juliette KUHN, originaire de Minversheim, se maria à Hochstett avec Jean OSTER. 

 

TEMOIGNAGES

 

Témoignage de Joseph GOMMENGINGER, âgé de 10 ans en 1944 :

 

« Je me souviens bien quand les soldats allemands passaient devant notre maison sur la route venant du carrefour des 3 Croix, pour traverser notre village. Plusieurs d’entre eux étaient à vélo, et une grande partie à pied. Leurs visages avaient un air sérieux. Plus tard les enfants et moi-même devaient fréquenter l’école allemande pendant environ 5 ans jusqu’en 1945. A partir de cette date, nous fréquentions l’école française.

En novembre 1944, on entendait, remporté par le vent, des tirs de mitrailleuses, et de fusils, voire autres, venant de la direction de Wittersheim-Mommenheim ; les soldats allemands devaient fuir, certains passaient à travers le canal et la Zorn. Un soldat allemand passait chez nous, tout trempé et demandait de l’eau ; il vidait presque la cruche de 2 litres en une fois ; aussitôt il repartait direction Batzendorf. On entendait le ronflement des véhicules de l’US Army à travers le chemin des champs menant de de Mommenheim à Hochstett et par le fossé pas loin de la chapelle, pour se rendre finalement dans notre village.

Les soldats américains occupaient surtout les cours des grandes fermes. Beaucoup vidaient leurs sacs, ils nous laissaient ramasser du chocolat, des bonbons, des petits paquets de cigarettes et même des jeux. Pour les gens du village c’était la joie, la libération. Alors un grand secteur était occupé par les soldats alliés pendant l’hiver qui était rude, froid et fortement enneigé. C’est à l’époque que j’ai vu la première fois une grande niveleuse qui dégageait la route, de très grandes congères, trop épaisses pour les chasse-neige militaires.

Beaucoup plus tard, les soldats américains nous quittaient pour se diriger vers Batzendorf et ailleurs. Certains mettaient des manteaux tout blanc, afin d’éviter de se faire remarquer. A une vingtaine de mètres de notre maison, les troupes alliées avaient posé des mines antichars à travers la route, le lendemain elles les ont enlevées ; mon grand-père disait : si cela explose cette nuit, notre maison sera détruite, heureusement rien ne s’est passé cette nuit-là.

A quelques mètres de la dernière maison vers Wahlenheim, les américains avaient monté une pièce d’artillerie lourde, canon immense, calibre, je ne sais pas vraiment, minimum 155 ou 200mm, le tube du canon seul mesurait une dizaine de mètres de long ; ils tiraient heureusement peu d’obus, alors que les fenêtres de l’église cassaient et les tuiles des maisons s’envolaient en partie. Quelques jours plus tard, ils voulaient implanter cette pièce près de chez nous sur notre petit pré, que l’on appelait « S’dreispitzel », mais en voulant rentrer, les roues avant du camion monstre traineur descendaient dans la boue alors ils sont repartis ailleurs, je ne sais plus où ;

Mon grand-père disait encore : nous n’aurions plus gardé une tuile sur le toit ni de vitres dans les fenêtres.

A Schweighouse sur Moder, côté Wintershouse, tout un secteur était miné par les allemands ; je sais par un oncle que dans la forêt indivise de Haguenau, il y a eu des deux côtés (allemand et forces alliées) beaucoup de morts.

Voilà en gros quelques évènements que j’ai vécus à l’époque. N’oublions pas les grands pelotons de bombardiers alliés qui se déplaçaient vers l’Allemagne, ils volaient en colonnes triangulaires, au moins 30 à 50 par colonne et protégés par les petits chasseurs qui les entouraient systématiquement.

Je ne veux surtout pas oublier, je ne me rappelle plus de l’année ni du jour, où l’on a appris la mort de Eugène KIRCHER sur le champ de bataille. Dans sa maison située près de l’actuelle habitation WENDLING, était gérée une petite épicerie par madame Gertrude, la tante d’Eugène ».

 

Témoignage de André LINGENHEIM, âgé de 9 ans en 1944 :

« Le soir avant la libération, les allemands avaient posté leurs mitrailleuses dans l’intention de stopper les américains mais dans la nuit, ils ont reçu l’ordre de se replier. Le lendemain vers 10 heures du matin, le 23 novembre 1944, Hochstett fut libéré par les américains qui venaient de la route Wahlenheim en jeep, half-track, command car. Le pourvoyeur (soldat qui apporte les munitions au tireur d’une arme automatique) qui était le premier à entrer dans Hochstett nous demanda s’il n’y avait plus de « Boches », on lui répondit que non.

Les soldats américains ont été très bien accueillis, nous leurs servions de la tarte flambée et du schnapps. Ils sont restés dix jours au village avant de recevoir du renfort. Dimanche matin, des soldats allemands qui s’étaient cachés dans la chapelle se sont rendus à la ferme OSTER pour se constituer prisonniers. Les alliés avaient placé leurs canons à l’Erzbuckel et Kohleyer et tiraient vers Batzendorf et Haguenau.

Un canon de grande puissance de feu qui était placé à côté de la grange Reymann faisait tomber les tuiles des toits environnants sous l’effet du souffle ; le canon mesurait plus de 8 mètres de long.

Monsieur LUTZ, instituteur et secrétaire de mairie, m’a chargé de prévenir les gens du village d’un couvre-feu à 17 heures. En arrivant sur la grande route de Pfaffenhoffen-Brumath, j’ai été surpris par des tirs allemands sur Hochstett ; en toute hâte, je me suis réfugié dans la cave Heitz, un obus a frappé le hangar Bittmann  côté Heitz. Après l’attaque, M. Heitz m’a accompagné chez mes parents. Les troupes américaines avaient installé leur cuisine dans la ferme Adam, nous leurs rendions visite pour recevoir du beurre, du chocolat ».

 

Nous remercions toutes les personnes qui nous ont accueillis pour transmettre aux habitants de notre commune et plus particulièrement aux jeunes générations, leurs souvenirs de cette période douloureuse.